Le chantre de la vie parisienne nous revient avec une composition qui a tout pour plaire : une technique impeccable, un charmant portrait féminin et des détails donnant vie à l’avenue des Champs-Élysées.
Souriante, la charmante modiste marche d’un pas décidé sur l’avenue, ses boîtes à chapeaux sous le bras et un parapluie bien utile par ce temps pluvieux que l’on connaît bien dans la capitale. Un homme portant un haut-de-forme, appuyé sur sa canne, la regarde, tandis que derrière eux la vie anime la plus célèbre avenue du monde : les calèches défilent, les passants affluent sur les trottoirs et un homme s’évertue, bien seul, à chasser l’eau de la route avec son large balai. Personne mieux que Jean Béraud n’a su décrire la vie parisienne au tournant du XXe siècle. Ses tableaux sont devenus emblématiques du Paris de la Belle Époque. Cette toile, présentée avec un certificat de l’Institut Wildenstein en date de novembre 2014, est également reproduite dans le catalogue raisonné de l’artiste établi par Offenstadt (éditions Taschen, Wildenstein Institute, 1999). Elle s’apparente à plusieurs compositions connues de l’artiste, sur les Champs-Élysées, réalisées dans les années 1880. Béraud est alors au début de sa carrière puisqu’il a abandonné ses études d’avocat en 1871, à la fin de la guerre, pour entrer dans l’atelier de Léon Bonnat à l’École des beaux-arts. Il commence à exposer à peine un an plus tard, avec une première participation au Salon de 1872. Au fil des années, il se forge un style personnel, abandonnant peu à peu la peinture académique pour se tourner vers une modernité d’actualité. Béraud était un ami proche d’Édouard Manet et fréquentait les mêmes cafés que Degas ou Renoir. La rapide touche impressionniste s’invite ainsi dans ses oeuvres, décrivant le spectacle des espaces publics, un sujet très prisé des artistes à la fin du XIXe siècle ainsi que des collectionneurs. En effet, ses tableaux deviennent les témoins des changements urbanistiques voulus par Napoléon III et le baron Haussmann. Avec la création de ces larges boulevards et de ces parcs, les Parisiens, toutes classes sociales confondues, peuvent désormais se balader plus facilement dans les rues de leur ville, devenues des lieux de sociabilisation. Pour réaliser ses tableaux, Béraud passait des heures dans les taxis, à l’arrêt, à dessiner la vue qu’il avait devant lui. Il était le client favori des cochers, heureux qu’il ne fatigue pas leurs chevaux !
Jean Béraud (1849-1935),Modiste sur les Champs-Élysées,
huile sur toile signée,
46 x 33 cm.
Estimation : 40 000/60 000 €DIMANCHE 16 JUIN, DOULLENS.DENIS HERBETTE OVV.
LA GAZETTE DROUOT N° 23 DU 7 JUIN 2024 - page 189